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Oct
2018

Claude Michelet à l'ARES : paysans, une longue histoire

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Terrasson - Société

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C'était le 3 décembre 2015 au Centre socio-culturel du Lardin-Saint-Lazare. Devant une salle comble, l'auteur Claude Michelet était l'invité de l'ARES (Atelier de Réflexion Ethique et Social). Aux participants habituels de l’ARES se sont joints des lecteurs fidèles de l’auteur et des personnes directement concernées par le sujet du soir « Paysans : une longue histoire ».  Un agriculteur-écriveur et non paysan-écrivain : c’est ainsi que se présente l’invité. Il ne se trouve pas digne de porter le titre de paysan. « Etre paysan est une noblesse » dit-il. Et pour avoir le droit de porter ce titre, il faut être issu d’une longue lignée ayant travaillé, amélioré la même terre ». Ce qui n’est pas son cas. Il a eu, très jeune, une vocation agricole « attiré par la liberté totale de cette profession ». Après des études agricoles (il a eu entre autres René Dumont comme professeur), il s’est installé à Marcillac, sur une petite ferme de 19 ha, comme éleveur de bovins. Pour son activité littéraire, le terme d’écrivain ne lui semble pas adapté. Il définit l’écrivain comme un littérateur reconnu comme tel après son décès. « Je serai écrivain si, après ma mort, des lecteurs ouvrent un livre de Claude Michelet ». En attendant, il se considère plutôt comme un "écriveur". C’est par la rédaction d’éditoriaux hebdomadaires que sa carrière littéraire a commencé, dans un but militant agricole mais surtout alimentaire. Il reste « atypique dans le microcosme de l’édition littéraire, du V° et VI° arrondissements », ce petit monde superficiel et coupé des réalités où il ne se reconnait pas. Il a longtemps mené de front ces 2 activités. L’écriture lui permet de faire vivre sa famille (6 enfants), « de mettre du beurre dans les épinards ». L’élevage de limousines la journée et l’écriture la nuit, le conduisent au surmenage et à un accident de santé. Après 36 ans d’activités agricoles, il doit cesser cette activité et se consacrer exclusivement à l’écriture (plus de 30 ouvrages, romans et études).

La longue histoire de l’agriculture commence il y a 7000 ans au Proche Orient. Elle est une quête inlassablement renouvelée d’une amélioration des rendements et d’extension des surfaces cultivées. Par exemple, au début de l’ère chrétienne, en Gaule, un grain de blé planté donnait 1,5 grain récolté. Au Moyen Age, 1 grain en produisait 10 et maintenant on produit 70 à 80 quintaux à l’hectare. Il suffisait d’une ou deux années de mauvais climat pour entraîner une famine ; la dernière date de 1845, ce qui n’est pas très ancien. Lors de la dernière guerre mondiale, par manque d’engrais et de matériel, les rendements agricoles ont dramatiquement baissé ; ce furent « les restrictions » pendant et après guerre. Avec, « ne l’oublions pas des gens qui crevaient de faim dans les villes si ils n’avaient pas de cousins à la campagne ».

Après la dernière guerre, l’Etat a demandé aux agriculteurs de produire plus afin de nourrir les hommes. L’agriculture a répondu présent par un surcroît de travail et d’innovations jusqu’à, dans les années soixante, la surproduction. C’est le début des « primes », le début d’une nouvelle ère, sans liberté véritable. « Si mon voisin ne déclare pas la naissance d’un veau dans les 8 jours, il ne touche pas de prime. Or, sans subvention, le prix de vente, le même depuis 20 ans, ne couvre pas le coût de revient ». Le parcours professionnel de Claude Michelet illustre cette évolution : quand il s’est installé, il fallait 20 bêtes, puis 30, maintenant 100, et demain combien ? « Avant on appelait chaque bovin par son nom. Maintenant il est un numéro ». « Pour juste conserver ses revenus, il faut toujours augmenter son cheptel. C’est une course perpétuelle. Avec les emprunts au Crédit Agricole qui vous poussent ».

Cette course en avant vers toujours plus grand, toujours plus d’emprunts a entraîné un brutal bouleversement : « il y avait 57 fermes alentour, maintenant il y en a 0 ». C’est bien une disparition des paysans qui a eu lieu. Pour Claude Michelet, après la cessation de son activité agricole, il n’y a pas eu de reprise familiale ; ce sont 2 voisins, en GAEC, qui ont repris les terres avec élevage en extérieur ; leur passage sur les terres est épisodique. Dans paysan, il y a pays : c’est aussi un changement brutal de la vie locale qui est apparu. Changement accéléré par l’arrivée de nouveaux habitants, les « rurbains », avec de nouvelles habitudes et de nouvelles exigences. Ce sont des choix politiques qui ont entrainé cette révolution, la disparition d’un monde. « C’est l’Europe agricole qui a tué l’agriculture française. Il fallait que les deux tiers des exploitations disparaissent. Il fallait faire une saignée. La France était le leader mondial agricole et les Etats-Unis ne le supportait pas ». « La France était un jardin, favorisé par des conditions idéales ». De puissants lobbys européens ont organisé une régression agricole qui fait que la France est dépassée par les allemands pour le porc, concurrencé par les Pays Bas pour l’élevage ou les espagnols pour le maraîchage. « En gros il était prévu de faire disparaitre l’agriculture au Sud de la Loire ». Des terres y compris les meilleures, ont été gelées, en jachère. Exemple « scandaleux, Disneyland installé en Brie, sur les meilleures terres du monde, avec 7m d’épaisseur de terre arable » ; ici de nombreuses terres sont en jachère, y compris les excellentes terres alluviales de la vallée de la Vézère quand des personnes meurent de faim dans le monde. La concurrence est faussée, y compris à l’intérieur de l’Europe. Les allemands ont de la main d’œuvre polonaise, peu rémunérée, les espagnols des travailleurs saisonniers marocains. Les règles sanitaires ne sont pas uniformisées. A l’échelle du marché mondial, les distorsions sont encore plus énormes. Cela permet au Brésil, par exemple, d’inonder le marché français de bovins, sans règles sanitaires, hormonés au maximum. Ces règles différentes s’accompagnent de choix politiques : échange d’espoir de vente de Rafale contre importation massive de viande bovine brésilienne par exemple, ruinant une filière.

Cette régression organisée a de profondes répercussions humaines, parfois dramatiques. L’exaspération et l’appauvrissement des exploitants entrainent de nombreux suicides d’agriculteurs (1 tous les 2 jours !).
Le nombre de fonctionnaires s’occupant de l’agriculture a crû, dans le même temps, de façon exponentielle. « Dans quel autre pays, le nombre de fonctionnaires divers s’occupant d’agriculture dépasse celui d’agriculteurs ? »  Un exemple vécu récent illustre cette réalité. Un agriculteur désirant « monter des cabanes à poules s’est retrouvé, à Sarlat, devant une commission de 10 fonctionnaires ! » C. Michelet cite un ministre de l’agriculture revenant de Bruxelles, désespéré, disant « ils veulent tuer l’agriculture française » et n’y pouvant rien ! L’évolution sociale est très rapide. De nombreux petits agriculteurs ont disparu. Il est vrai que leur situation économique était précaire, beaucoup vivant dans une grande pauvreté. Les systèmes du fermage et du métayage ont aussi disparu dans nos régions. Le syndicalisme agricole est très contesté : les dirigeants sont les défenseurs « des céréaliers et  betteraviers du Nord. Ils les défendent certainement bien, eux. Mais notre agriculture locale n’est pas leur souci ». « M. Belin Président de la FNSEA n’est pas un agriculteur, c’est un financier ».

Il est vrai que cette période a vu une avancée jamais connue des techniques. A son installation C. Michelet a, le premier dans son village, labouré les terres pour avoir une prairie artificielle. Après lui avoir prévu une catastrophe ses voisins, devant le succès, ont fait la même chose. De la même manière, ils se sont engagés dans le machinisme agricole avec les tracteurs puis moissonneuse-batteuses. Un système d’entraide très positif s’est mis en place. C. Michelet avait l’avantage d’avoir suivi des études agricoles et aussi de ne pas être paralysé par un pater familia traditionnel. Souvent l’aïeul détenait la propriété et le pouvoir, empêchant toute modernisation. L’existence de la SAFER lui a permis d’acheter les terres qui lui étaient nécessaires, sauvées des pavillonneurs et des résidences secondaires. Malheureusement l’extension des zones bétonnées continue au détriment d’excellentes terres agricoles. L’extension de la zone commerciale sur l’ancien aérodrome de Brive, précédemment très fertile zone de maraîchage, est un bon exemple.

La nouvelle grande région Aquitaine ne devrait rien changer selon notre invité. Elle est une région très excédentaire du point de vue agricole, mais c’est essentiellement grâce au vin de Bordeaux et du Cognac. Il est fait remarquer que les nouvelles lois sur le Plan Local d’Urbanisation Intercommunal doit préserver et permettre la cohérence de nombreuses terres agricoles favorisant ainsi les exploitations. L’éthique est interrogée par cette évolution du paysage rural. D’abord la cohabitation des rurbains avec le monde agricole. Nombreux sont les exemples d’intolérance de cette population d’origine urbaine, venue profiter du cadre de vie rural, mais protestant contre les bouses de vache, le cri des coqs, les mouches… Cette opposition peut constituer un frein au développement des exploitations. Parmi ces nouveaux habitants, il y a aussi des personnes prônant un retour idéalisé à la terre. « Ce sont de doux rêveurs. Ils me font penser aux disciples de Giono, avant guerre, qui avaient créé des communautés en Provence. Pas un n’est resté. ». Il s’agit de romantiques, c’est une écologie « amusante », à coté des véritables écologistes.

« Il faut rendre à la terre ce qu’on lui prend » c'est-à-dire l’enrichir avec des engrais et amendements. La preuve par la dernière période de guerre où les rendements se sont effondrés par manque de ces apports. Il fait toute confiance aux paysans : « ce ne sont pas eux qui vont ruiner leur terre, ils en vivent ». L’actualité de la consommation de produits « bios » semblent, souvent, à Claude Michelet une escroquerie. Il n’a aucune confiance dans des produits, d’origine polonaise par exemple, qui n’ont pas du tout les mêmes contraintes et contrôles qu’en France. Il s’agit « d’un coup marketing des grandes surfaces ». Cependant l’écologie ne peut pas être mauvaise et il cultive ses fruitiers et ses tomates sans pesticides.

La culture des OGM ne lui pose pas de problèmes. « Ils sont cultivés sur 190 millions d’hectares dans le monde et nous en mangeons tous les jours par le soja, le maïs… ». Il note que l’agronomie française qui était la première au monde (Vilmorin) est largement dépassée actuellement par les firmes américaines, entre autres, à cause de l’interdiction de recherche dans ces domaines. En France, il est interdit d’utiliser des hormones pour stimuler la croissance des animaux. Mais nous importons de la viande d’Argentine ou d’Amérique du Nord, bourrée d’hormones. Où est la protection du consommateur et du producteur français ?

« Actuellement plus d’un milliard de personnes dans le monde ont faim.  « Jamais je ne pourrai supporter que l’on empêche les cultivateurs de produire tant qu’un seul enfant aura faim ». Il existe certes des inconvénients sanitaires et écologiques à l’utilisation de produits phytosanitaires et fertilisants artificiels. Mais comment nourrir la population mondiale, qui sera de 9 milliards bientôt, sans optimiser les productions en rendement et en surfaces ? Il est souligné la fracture sanitaire qui existe, aussi bien en France qu’à l’international, où les plus riches pourront manger suffisamment bien en quantité une nourriture saine et de larges pans de population qui n’auront pas assez de nourriture, de plus de qualité et de sécurité insuffisantes. Et c’est là un scandale ! André Begoc de l'ARES

- Photos d'A. Rassat. 1/ de gauche à droite : Henri Delage co-responsable de l'ARES, Claude Michelet et Patric Chouzenoux.

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